L'an dernier, nous étions bloqués chez nous, loin des synagogues et des églises. Et pourtant c'est un grand moment que nous avons pu vivre dans chacune de nos communautés : Pessa'h pour nos frères juifs - et la Semaine Sainte des chrétiens qui culmine à la fête de Pâques.
Petite particularité cette année, à cause de la différence des calendriers, juifs et chrétiens célébreront la fête la plus importante de leur culte à une semaine d'intervalle, Pessa'h ayant lieu pendant la Semaine sainte des chrétiens.
Pessah (la Pâque en hébreu), est une des trois fêtes de pèlerinage du calendrier juif. Elle début le 15ème jour du mois de nisan (début la veille au soir 14 nisan) et se poursuit sept jours durant en Israël et huit en Diaspora.
Célébration cette année du dimanche 28 mars au dimanche 04 avril 2021, avec un premier seder dès samedi soir, à la suite du Grand Shabbat qui précède la fête de Pessa'h, et qui commence dès ce soir vendredi 26 mars . Nous serons en plein dans la Semaine Sainte des chrétiens, qui trouvera son couronnement le dimanche de Pâques 04 avril.
Pour vous présenter cette fête de Pessa'h, il est intéressant d'entrer dans le texte de Dominique de La Maisonneuve, prix AJCF 2012 avec Louise-Marie Niesz, dans son ouvrage : "Le Judaïsme", aux éditions de l'Atelier (p. 113-114) :
"Selon la Torah, la Pâque doit toujours avoir lieu au printemps, le quatorze du mois de Nisan (Ex 12,6) mois de la sortie d'Egypte (Ex 23,15) : "Observe le mois d'Abib (des épis, en cananéen, le premier mois de l'année, c'est-à-dire Nisan) et célèbre la Pâque pour le Seigneur, ton Dieu" (Dt 16,1). Pour permettre ce rythme annuel avec des mois lunaires, on en ajoutait tous les deux ou trois ans, un treizième aux douze des années habituelles.
Aux temps bibliques, les nomades fêtaient, à cette saison, deux événements concomitants : l'un agricole, le début de la moisson d'orge; l'autre pastoral, le sacrifice d'un agneau consommé en famille.
Sur ces réalités significatives du renouveau de la nature, la tradition biblique va greffer un événement historique : la sortie d'Egypte. C'est un événement capital, fondateur du peuple, car il le fait passer - Pâque- Pessah - passage - de la servitude à la liberté. [Pessa'h indique aussi le fait que l'ange exterminateur soit passé par-dessus les portes des israélites marquées du sang de l'agneau. (Ex 12,13. 26-27) NDLR ]. Comme le printemps, c'est le retour à la vie après la mort de l'esclavage, un renouveau opéré par Dieu lui-même, désormais Sauveur pour son peuple : "C'est moi le Seigneur, ton Dieu qui-t'ai-fait-sortir-du-pays-d'Egypte" ((Ex 20,2).
Bien qu'il y ait un office synagogal propre à Pessah, le rite principal se déroule autour de la table familiale. A la tombée de la nuit, le Seder - repas rituel - rassemble la famille et souvent bon nombre d'amis. Ce repas se déroule selon un certain ordre, c'est le sens du mot seder, véritable liturgie dont le développement est consigné dans la Haggadah - récit - de Pessah. Il commence par une question posée par l'enfant le plus jeune, dès qu'il est en âge de questionner : "Qu'il a-t-il de particulier ce soir ?" En effet, dans un décor festif, il découvre sur la table des ingrédients inhabituels. Entre autres, des pains non levés - matsot - qui rappellent la hâte avec laquelle il avait fallu prendre ce repas (Ex 12,11) ; des herbes amères, comme le goût que l'on conserve de la servitude d'Egypte ; un mélange de pommes et de noix pilées pour représenter le mortier que les enfants d'Israël furent condamnés à fabriquer ; de l'eau salée symbolisant les larmes qu'arrache l'énumération des plaies d'Egypte. On ne peut se réjouir de la mort de ses ennemis...
Cette question posée par l'enfant : "Que se passe-t-il donc ce soir ?" donne l'occasion au père de famille, ou à un autre adulte, de faire mémoire du récit biblique, enrichi des commentaires de la tradition orale sur la servitude d'Egypte et la libération du peuple par Dieu.
On chante les psaumes du Hallel - louange - (Psaumes 113 à 118) ; on souhaite de se retrouver : "L'an prochain à Jérusalem", évoquant par là l'impatiente attente du Messie. Des cinq coupes de vin rituelles, la cinquième reste pleine pour le 'prophète Elie' qui, selon la tradition, reviendra avec le Messie.
Parce qu'elle a donné naissance au peuple, cette libération en est l'événement fondateur. Elle demeure le symbole de toutes les libérations, de tous les saluts, passés et à venir, que Dieu ne cesse d'accorder à chacun : "Chaque juif doit se considérer comme s'il était lui-même, aujourd'hui, sorti d'Egypte" (Mishnah de Pessah 10,5)"
"Le Judaïsme, p. 113-114
Comment ne pas voir le lien avec la fête chrétienne de Pâques ?
La fête chrétienne de Pâques trouve en effet ses racines dans la fête juive de la Pâque. (voir le site du Cybercuré).
Après tous les événements de la Semaine Sainte, qui commence avec le dimanche des Rameaux et de la Passion, ce 28 mars 2021, événements qui eurent lieu au début de notre ère dans le cadre de la célébration de la Pâque juive, la fête de Pâques célèbre la résurrection du Christ, sa victoire sur la mort qui est l’élément central de la foi chrétienne. En même temps elle nous fait participer à sa résurrection en célébrant notre passage de la mort à la vie. C’est la bonne nouvelle de la victoire de la vie. Pâques est une fête que l’on célèbre dans une joie communicative. "Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, Alléluia".
A relire : un article de Juliette Gauffriau paru sur le site du diocèse de Nantes et repris par le site de l'Eglise de France : ici. : "Pâque juive et Pâques chrétiennes"
Pourquoi un "s" au mot Pâques : allez donc voir ici
Cette année Pâques est célébré le dimanche 04 avril, par les Catholiques et les Protestants et le 02 mai par les Orthodoxes.
Qu'il nous soit permis de vous renvoyer sur le site du CCAN (Centre Culturel André Néher.) Vous y trouverez des indications intéressantes en ce temps de confinement : Confinés, mais pas isolés !
Vous fréquenterez certainement aussi avec profit le campus numérique juif Akadem, qui vous propose des tas de possibilités d'information et de formation. Ne manquez pas cet échange entre Julien Darmon, professeur de Talmud et Antoine Guggenheim, docteur en théologie, sur le thème : "Comment Pessa'h est devenu Pâques : le Seder au temps de Jésus". A voir ici.
Chaque communauté, juive ou chrétienne, trouve les moyens de rester en lien, tout en étant chez soi. Chaque paroisse chrétienne donne par exemple des indications et des vidéos pour que, à défaut parfois de nous trouver dans les mêmes lieux, nous puissions vivre les Jours Saints et Pâques au même moment, dans une sorte de communion inhabituelle mais bien réelle. Internet pour cela facilite bien les choses, même si pour l'instant on peut encore se retrouver en présentiel, en nombre restreint et en respectant les consignes sanitaires.
Nos frères juifs peuvent aussi, s'ils le désirent, s'inscrire pour un Séder communautaire numérique exceptionnel, le soir du deuxième seder de Pessah, le 28 mars, organisé par le Judaïsme en Mouvement (JEM). Cliquer ici.
Hag Pessah saméah - Joyeuses fêtes de Pâques